[Film] De beaux lendemains, Atom Egoyan

Publié le par Catherine Cuenca

Attention CHEF D'OEUVRE !

Le thème de la culpabilité et de la responsabilité traité dans ces oeuvres est fondamentalement humain. Universel.
Et j'ai été bouleversée par la façon dont ce thème est incarné par le personnage de l'avocat.


Cet homme a construit sa carrière sur la recherche de responsabilité. Il s'est spécialisé dans la recherche de coupable. Jusqu'à l'obsession. Il y a toujours un coupable. Il suffit de le trouver.  Il cherche à en convaincre les membres de la petite communauté où il débarque à la suite d'un drame affreux. La plupart des enfants de cette communauté du grand nord canadien sont morts dans un tragique accident de car scolaire (heureusement traité de loin par Atom Egoyan qui ne se roule pas dans le drame mais s'intéresse à tout autre chose).

L'avocat, donc, veut trouver le responsable de l'accident. Le chauffeur du car ? Une défaillance du véhicule ? Peut-être un boulon mal façonné du moteur ?
Pour intenter un procès, l'avocat doit convaincre les familles de se constituer en plaignants. Tout tourne autour du témoignage d'une jeune ado qui était dans le car lors de l'accident. Une des rares survivantes. Elle a perdu tous ses amis, tous ses copains, tous les enfants du voisinage, tous morts. L'accident l'a laissée handicapée. Sa parole déposée devant le juge permettra ou pas la recevabilité du dossier auprès du tribunal. Son père, l'avocat et d'autres font pression sur elle pour que le procès ait lieu. C'est elle qui porte la responsabilité du devenir de la communauté.
Si le procès a lieu, les voisins s'entredéchireront à jamais. Le deuil sera à jamais impossible. La rancoeur remplacera la douleur.
Elle tente d'y voir clair. Elle doute. Elle observe. Elle pressent. Elle comprend. Et choisit d'éviter le procès. Pour préserver "De beaux lendemains".

Derrière toute l'histoire de premier plan, le film dévoile ce qui a construit cette motivation de l'avocat à trouver un coupable. Son drame personnel. L'amour qui le lie à sa fille et l'incapacité à accepter qu'elle se détruise par la drogue. C'est cette histoire là qui m'a bouleversée.

La séquence qui ouvre le film est d'une pureté parfaite, un parfait moment de bonheur.
Elle introduit et révèle toute la force, l'enracinement de l'amour du père pour sa fille.
J'ai raconté des dizaines de fois ce passage du film totalement pétrifiant, inoubliable, qui ne peut que hanter la mémoire de parents :
Le père, l'avocat, raconte un voyage en voiture entre la maison perdue dans la forêt où il était parti passer quelques jours et l'hôpital où il conduit d'urgence sa petite fille de deux ou trois ans. Lui est à l'arrière, parce qu'il est plus calme. Il tient sa fille assoupie, allongée sur ses genoux. Sa femme est au volant. Elle fonce vers l'hôpital. La survie de la petite fille dépend du nombre de minutes qui les séparent de l'hôpital. La gamine vient d'être piquée par une araignée au venin mortel. Elle enfle. Sa respiration est difficile. Si elle continue à enfler, elle va s'étouffer, impossible de respirer. S'ils arrivent à temps, une piqûre la fera désenfler. Elle sera sauvée.
Le médecin a tout bien expliqué au père. L'enfant doit rester calme. Plus elle est calme plus son sang circule lentement, plus le venin agit lentement. L'adulte qui tient l'enfant doit rester calme pour ne pas paniquer l'enfant.
L'adulte doit rester calme mais il doit en même se préparer à planter un couteau pointu dans la gorge de son enfant. Une trachéotomie. A l'arrache. Avec un couteau pointu et le tube plastique d'un bic à planter dans le trou fait par le couteau. C'est la seule façon d'éviter la mort si la gamine s'étouffe avant d'arriver à l'hôpital.
Ce père, l'avocat, raconte ce voyage en voiture où une de ses mains caressait les cheveux de son enfant pendant que l'autre tenait un couteau pointu. Et ses yeux qui ne quittent pas d'un cil l'endroit du cou où planter le couteau.
Ils sont arrivés à temps à l'hôpital. La gamine est sauvée. De l'araignée mais pas de la drogue...
Et ce père qui a tenu la vie et la port de son enfant dans les mains, ne peut se résoudre à accepter de perdre sa fille dans la drogue. D'où son besoin de trouver un coupable. A n'importe quel prix.

Voilà. Grand film. Grands sujets. Finement traités. De ceux qui nous accompagnent dans la vie.




Publié dans Des films - Des livres

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